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Poèsie et blancheur
25 novembre 2012

Lilith marbrée

Deux phalènes incandescentes s'échappent de ses yeux
Retenues par de minces filaments d'argent
Uniques éclats dans les ténèbres
Arrachant par lambeaux ses restes d'humanité
 
Longtemps, ses nuits furent hantées
Par le clair visage aux yeux terribles
Les éclairs striaient le ciel
Lorsqu'il le fracassa à coups de pierres
 
Depuis sa fuite, le sourire de la bonté cherche à le réconforter
La guérison est possible
Mais plusieurs chemins sont offerts
Le corps écorché, les ongles rouges
Une douce chaleur remplace fugitivement la souffrance

Dans sa poitrine suppliciée
Les pulsations retentissent enfin
L'eau limpide, le ciel bleu, le touchent profondément
Comme les flots de sang à venir
Le sentiment aigu de la beauté du monde
Sa tranquille acceptation
La poignance des choses, le Mono No Aware

Son âme se déchire, elle a joui des deux côtés
Le tonnerre se déchaîne sur ses pas
Ses yeux ne peuvent plus pleurer
Tant son dégoût est grand d'avoir détruit la beauté
D'avoir éventré le corps lumineux
Prélude du grand rêve

Appuyée à un tilleul, en haut d'une colline
Surplombant un petit lac
L'écorce se fond en ses jambes
La mousse caresse ses pieds
Les bras, tendus vers les branches
Se couvrent délicatement de feuilles
Ses ailes sont au repos
Dans ses yeux s'engouffrent les vents de ce monde
Son corps semble fait de lumière
Sa peau, d'un blanc immaculé, appelle les larmes

L'air était transparent, le ciel aveuglant
Le jour où il l'aperçue
Les rayons du soleil s'attardaient sur ses cheveux blonds
Du bas de la colline, il vit son profil
Et fut touché par tant de beauté captive
La tête, légèrement penchée en avant
Les bras en croix, le corps nu
Comme elle semblait fragile
Je revois si distinctement son regard à cet instant
Et je me souviens d'antiques statues de marbre
Elle était vraiment magnifique ce jour-là

Intimement caché en lui
Protégé par de hautes murailles suintant un humus rougeâtre
Le coffret épuré renferme ses passions
Refoulées patiemment en ce lieu
Par des années de solitude et de mauvais délires
A peine aperçut-il le corps blanc que la boîte s'entrouvrit
Dévastant les remparts de la colère accumulée
Même sa folle fierté plia genoux
Devant la confirmation de l'attente
Il la reconnaît comme aboutissement mais
Aucune reddition, aucun renoncement aux idées

Durant d'interminables heures
Il contempla la peau blanche, si lisse
Cette neige acide fit voler en éclats ses défenses
Péniblement construites au cours des ans
Le sourire le posséda facilement
Il priait depuis des années pour cela
Il ne résista pas, il voulait être délivré de sa haine

Son corps s'enflamma devant les possibilités de la peau
Submergeant ses plaques mentales fissurées
Calmant ses amas distordus de personnalité
La lave gonfle ses veines
Il approcha lentement, manquant défaillir à chaque pas
Pris de vertige devant l'abstraction matérialisée de la grâce
L'ange diaphane, affolé, se débattait contre l'étreinte de l'arbre
Mais seules quelques plumes s'échappèrent
Un démon approchait, le visage défiguré par
De trop blanches et trop noires pensées
Ses yeux, teintés de rouge, étincelaient
Sa frayeur lui déchirait le coeur mais il était possédé
Par cet étrange plaisir qui est de faire le mal et d'en souffrir
Le fait conscient de détruire
 
Sa main ne brûla pas lorsqu'il la posa sur son ventre
Les yeux écarquillés de l'apparition montrèrent sa stupéfaction
On l'avait touchée
La chair avait porté la main sur la clarté
Elle était terrorisée par cette masse de sang, cette boue animée
Elle ne comprenait pas ce qu'il cherchait
Son regard perdu posait mille questions
Pourquoi était-elle ici, comme offerte en sacrifice?
Tant d'incompréhension, d'innocence le torturaient
Mais ses vieux amis avaient pris possession de son être
Il ne pouvait s'arrêter, ivre de découvertes

Ses doigts se perdaient sur son front
S'égaraient sur sa nuque
Il se gorgeait de sa peau de porcelaine
Continua à caresser son ventre
Ses doigts redessinaient les plages de son corps
Les épaules, le dos...

Esquive mes caresses, caresse mes esquisses
Emprisonne-moi dans ton espace
Ses yeux reflétaient la naissance et la mort de galaxies lointaines
La tranquillité d'une flaque d'eau de pluie
Ils étaient insoutenables
Ses ailes montraient trop sa divinité, jamais il n'osa les toucher
Devant son sourire craintif, fragile membrane de cristal
Ultime protection, il détournait la tête
Trop conscient de l'horreur et de la lâcheté de ses actes
Sa peau était douce comme une chanson
Les premières blessures marquaient le fond de ses yeux

Il resta, la joue contre son ventre, toute la nuit durant
Plusieurs jours il revint la voir, liée par
Quelque prodige au tilleul de la colline
Il effleurait son ventre, si plat et si doux
Etrangement elle ne dépérissait pas
Sa splendeur demeurait intacte
Sa captivité, ses tensions étaient difficilement visibles
Seule une douce tristesse affectait son sourire
Comme la nostalgie du premier voyage dans un lointain pays rêvé.
La trouble érotisation de l'ange en décomposition

Ses bras étreignirent avec difficulté son corps
Ils semblaient résister, ne voulant avilir le rêve
Il pressa sa poitrine contre la sienne, essayant de se compléter
D'être submergé par le bien, mais n'osa pas la regarder
La chaleur se diffusa lentement dans tout son être
Comme pour laver ses plaies

Il voulait transférer son mal, qu'il soit anéanti par l'aveuglant miracle
Mais les vieux démons, maîtres de cette chair
Et de cet esprit étaient intimement fichés en lui
Forts de plusieurs années de rêveries morbides
Leurs doigts crochus enserraient son coeur et son cerveau
Leurs crocs pénétraient profondément son crâne
Leurs langues visqueuses emplissaient sa bouche
Ils essayèrent de déchirer la créature à pleines dents
Mais ils se savaient vaincus d'avance
Car, tout monstrueux qu'ils sont
C'est d'un trop plein d'amour stérile qu'ils sont nés
Seule solution pour éviter l'effondrement

Es-tu celle que j'attendais?
Quel est ton rôle, le connais-tu toi même?
Tes yeux apeurés disent le contraire, pauvre petit animal
Jouet de quelque puissance supérieure
Tes yeux supplient mais lacèrent mon âme et m'effraient
Tu es attachée et je suis la proie
Je ne peux croire les mots que je t'ai dits

Te voilà enfin, tu viens tard, si tard
Mais je n'aurais pas la lâcheté de te repousser car tu sais qui je suis
Si tu savais comme je te déteste
Où étais-tu quand j'avais besoin de toi
Quand je fus à la croisée des chemins
Et que je pris le mauvais par tristesse?
Tu aurais pu ensoleiller mon corps, blondir mes cheveux
Je souffre à cause de toi
J'aimerais pouvoir te faire mal mais
J'arrive encore à garder le contrôle
Je suis furieux, je penche mais j'ai l'équilibre
J'aimerais contempler les gouttes de sang perler sur ta poitrine
Regarde droit dans les yeux le masque de haine
Aucune illusion sur l'état, la lucidité m'accompagne
Ta peau de marbre tourmente mon sommeil
Je fuis les rêves, tes yeux y sont omniprésents
Immenses, impérieux, englobant les montagnes
Souriante, tu marches au ralenti
Les dents blanches, les yeux vers le ciel
Ton corps semble danser mais si lentement
Epouse l'air et les rayons du soleil
Tes doigts captent les trames qui nous relient
Tes lèvres goûtent je ne sais quel nectar de vie
Pas une seconde sans que je ne voie tes contours
Ton regard suppliant que je ne te touche plus
Me fait éprouver un tel dégoût de moi
J'ai la tête qui éclate, mes yeux se coupent
Solarise-moi
Explose-moi

Et ton sourire, ton sourire, ton sourire défensif
Pénètre si profondément en moi que je caresse mon corps
Dans l'espoir de le toucher
Mes rêves me font honte et je souffre pour cela
Mais pour qui je saigne?
Je mettrai les os de mon visage à nu avec mes ongles
Tant la tempête dévaste mon corps
Tant mon amour n'en peut plus de me nourrir et
Se tourne irrésistiblement vers le monde
L'amour qui va être donné
 
Longtemps j'ai maintenu prisonnier cet amas de sentiments
Je l'ai enchaîné et vicié, bien avant notre rencontre
De cette perversion, je tenais debout
Salement, il pouvait me calmer
J'ai alors connu l'écoeurement
Mais la vision de tes lèvres entrouvertes a effacé mes souillures
Il se déchaîne maintenant, incontrôlable
Me déchire et s'écoule en ruisseaux écarlates le long de mes jambes
Les flots de sang viennent
La rage de l'éphémère naissant découvrant la beauté du monde
Sachant qu'il mourra à la tombée de la nuit
Je brûle comme un nuage de lucioles s'offrant en holocauste

Aujourd'hui tes traits ont changé
Ils sont empreints de sérénité
La peur a quitté ton visage lumineux
Tu as retrouvé la majesté des belles caryatides
Ton rôle nous a été révélé par celle qui t'envoie
Tu es la Dea Ex Machina!

Les mains d'acier de l'amour
Plaquées sur mon visage comme une matrice
Extirpent les cendres de mes rouges compagnons
Dispersées en hermétiques arabesques sur sa peau
Disparaissent, absorbées par son espace irradiant
Adieu, vous qui furent malgré tout mes seuls amis
Inondé par ta grâce qui purifie tout
Mon corps ruisselant de tes vagues
Ondule d'une façon mystérieuse sous les cieux, caressant les vents
Reflétant l'éclat des étoiles jusqu'au bout des doigts
Les larmes viennent
 
Il reste une chose à accomplir
Tu es le plus bel enfant mais il faut que tu disparaisses
Fait attention, c'est la première fois
Sois douce, souris encore une fois
Ce que tu demandes est si pénible
Mes yeux se plissent, mon coeur s'affole
Mais je ne reculerai plus, je suis prêt
La pierre est lourde et dure


Mai 1997 - Mars 1998


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Mes poèmes sont des créations personnelles et sont protégés par un copyright déposé en France.
Ils relèvent de la législation française et internationale sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle.
La copie, modification, adaptation, vente, traduction de ceux-ci sont interdites sauf autorisation expresse de l'auteur de ces poèmes.
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